Chroniques : Liste de 1ère selection


Christine Angot
Un Amour impossible
Flammarion 2015, 217p.

­­­­Une anti-famille
          « Notre histoire, c’est l’histoire d’un amour
           Éternel et banal qui apporte, chaque jour
           Tout le bien tout le mal…
           Ceux qui s’aiment jouent la même, je le sais
           Ma complainte c’est la plainte, de deux cœurs
           C’est un roman comme tant d’autres,
           Qui pourrait être le vôtre
           C’est la flamme qui enflamme, sans brûler
           C’est le rêve que l’on rêve, sans dormir
           Mon histoire c’est l’histoire d’un amour…
           … avec l’heure où l’on s’enlace, celle où l’on se dit adieu
           Avec les soirées d’angoisse, et les matins merveilleux… »

Ces mots chantés aux pages 9 et 10 traduisent bien « l’amour impossible » de l’auteure Christine Angot.
          Auteure d’une vingtaine de romans, Christine Angot joue dans son nouveau chef-d’œuvre, Un amour impossible, sur les cordes sensuelle et émotionnelle de l’esprit. L’amour se présente dans cette œuvre sous différents aspects : amour-passion entre un homme et une femme, amour maternel entre une mère et sa fille et amour paternel déformé.
Christine Angot prend l’initiative de mettre à nu les « nœuds » d’une famille bouleversée. En réalité, le mot « famille » ne définit point les liens entre les personnages de ce roman. Pierre, qui est fou amoureux de Rachel, refuse cependant de l’épouser et de fonder un nid conjugal avec elle, même s’ils ont un bébé. Pour lui, sa liberté est sacrée. Christine, le fruit de cet amour-passion, vient remplir et même combler la vie de sa mère. Pierre, insouciant, voit sa fille épisodiquement sans la reconnaître légalement. Une relation anormale s'établit entre Christine et son père. Il la viole ! En apprenant cette vérité incroyable et sous le poids du choc, Rachel se trouve incapable de réagir. Incapable même de discuter de ce sujet avec sa fille, incapable d’alléger les souffrances d’une adolescence griffée par les épines paternelles, d’une enfance brisée, déchiquetée. Dès lors, un sentiment de culpabilité s'établit qui dresse un mur infranchissable entre la mère et sa fille, et étouffe tout amour maternel et filial.
          Comment une mère n’arrive-t-elle pas à réagir pour sauver sa fille ? Comment reste-t-elle impassible devant sa fille effondrée ? Comment ne tente-t-elle pas de panser les blessures d'aujourd'hui pour leur permettre de cicatriser à l'avenir ?
          Revenons au titre : « Un amour impossible ». Qu’est-ce qui pourrait rendre un amour « impossible » ? La différence de classe sociale, d’appartenance religieuse, la rivalité entre familles, les préjugés de toutes sortes ? Cela même qui pourrait entraver une histoire d’amour. Pourtant, l’amour devrait être la force permettant de surmonter tous les obstacles. Où est donc l’amour qui lie Rachel et Pierre ?
Et à propos de Christine et son père, on est tout de même un peu plus loin d’un simple amour impossible. Il s’agit d’un viol, d’un inceste, de la destruction d’une personne fragile, corps et âme, destruction en somme d’une vie.
          En fait, la cause de cet inceste est révélée à la fin du roman. Christine explique à sa mère, vieillie, que son père avait une obsession : dominer. Pour annuler la reconnaissance légale de sa fille, il n’a qu’un seul moyen : l’inceste. Il ignore l’interdit fondamental d’avoir des relations sexuelles avec son enfant. Il refuse de se conformer à cet interdit qui s’applique à toute l’humanité parce qu’il se croit au-dessus des règles sociales et même au-dessus de toutes les lois.
Pour finir, il faut noter que la mention du genre sur la couverture, « roman », semble apposer un cachet bien défini sur l’histoire de ce roman. Pourtant, nous constatons que cette étiquette n’est pas aussi fiable qu’elle en a l’air. Les similitudes frappantes avec la personne de l’auteure et sa biographie nous révèlent une mystification qui nous semble à première vue gratuite, d’autant plus que le prénom de la narratrice-héroïne n’a même pas été modifié, Christine, ni le nom de famille, Angot (qui a été déclaré suite à sa reconnaissance d’après son père). De même, nous remarquons que cette héroïne est aussi écrivaine dans l’histoire. Nous nous posons donc la question suivante : Christine Angot, en tant qu’auteure, a-t-elle subi cette expérience traumatisante ? A-t-elle eu à mener cette vie étouffante ?
Sans doute, oui. Et elle a trouvé dans le fait de raconter cette histoire malheureuse un remède pouvant soigner sa cicatrice profonde. Raconter devient alors pour elle un moyen de définir son moi morcelé, son cogito brisé. Grâce à la narration, elle parvient à donner une unité à son existence. C’est ce que Paul Ricœur appelle « l’identité narrative », celle qui permet à l’individu de se ressaisir et de se reconstruire en se racontant. Si, adolescente, elle n’a pas été sauvée par sa mère, adulte, elle le sera par la littérature.

Nour EL-KADRI
Université Libanaise – Branche IV - Békaa
Faculté des Lettres et des Sciences Humaines
Département de langue et littérature françaises



Un amour impossible

Christine Angot
Paris, Flammarion, 2015, 217 p

« Avec le temps… »
     « C’est l’histoirreu d’un ammourr Éternell et banall qui apporteu chaque jourr Tout le bien tout le mall. C’est l’histoirrreu qu’on connaît… » et qui apparaît à travers ce roman de Christine Angot qui, cette fois-ci, va à la recherche de l’explication d’un silence.
     Sur une chanson de Dalida, Rachel Schwartz, Iseult aux mains blanches, a fait vibrer le cœur de Pierre Angot lors d’une soirée amicale. Une très belle femme juive aux yeux verts, employée à la Sécurité sociale, qui a aimé le traducteur militaire sûr de lui-même, beau parleur, éloquent et aux idées nihilistes.
     De son côté, elle a été fascinée par son langage bourgeois, aveuglée par le feu de la passion ardente même quand il lui a fait comprendre l’importance de son indépendance. En effet, selon Pierre, « Pour vivre libre, il fallait être seul, et seul à savoir qu’on l’était. » (p.11) Bien qu’il critique son langage, humilie les Juifs dans ses discours et l’ait prévenu qu’il ne serait jamais question de mariage entre eux, elle cède volontairement à la proposition de son amant de faire un enfant avec lui. Elle a cru que Christine, fruit de cette passion, serait la lumière qui la guiderait à la sortie du tunnel obscur de sa vie tourmentée par des absences et des malheurs. Or, c’était compter sans la noirceur du cœur des bourgeois parisiens : « Dans leur monde on n’a pas d’enfant avec une juive, surtout si elle a pas d’argent et qu’il n’y a rien à obtenir d’elle. À part son cul. » (p.211)
     Pendant son enfance, Christine Schwartz éprouvait pour sa mère un amour absolu. Malgré la pauvreté qu’elles ont vécue, elle admirait sa mère, la plus belle de toutes les mamans, et appréciait son intelligence même si elle n’était pas aussi éduquée que son père. Cependant, l’amour d’une fille pour sa mère n’est pas intouchable. Lors de ses premières rencontres avec son père, Chaperon rouge était envoûtée par son immense culture mais sans pressentir l’arrivée d’un choc qui bouleversera sa vie. Peu à peu, le mot « maman » disparaît de la bouche de Christine devenue Angot, Christine qui aurait souhaité avoir eu un autre père. L’enfant innocente a été attaquée par un loup féroce, antisémite, incestueux. En faisant l’amour, Pierre a fait la guerre contre la fusion entre les deux classes sociales et Christine en était la victime. « L’interdit fondamental, là, c’est plus celui des relations sexuelles entre ascendants et descendants, mais celui de la mésalliance. » (p.210)
     « Pourquoi tu n’as rien vu ? » (p.201) C’est la question posée à Rachel et à laquelle Christine Angot essaie de répondre tout au long du roman. Son but n’était point de nous raconter une histoire pour nous divertir mais pour nous forcer à penser, à comprendre le sens caché des événements. Grâce à un style direct et sobre, elle essaie de nous transmettre sa propre perception du temps, de l’espace, de la société, de l’époque et des relations familiales et sociales. En effet, les dialogues reproduisent au plus près, jusque dans leur écriture parfois phonétique, les mots qui ont réellement été dits, tels qu’elle les a retenus ou reconstitués. De même, l’auteure dévoile le temps de l’histoire d’une manière indirecte en liant les événements à la sortie de telle ou telle chanson, à la prise de telle ou telle photo et aux correspondances épistolaires entre Pierre d’une part et Christine et Rachel d’autre part, bref, à tout ce qui se grave dans la mémoire et qui est plus important que les dates car plus personnel.
     Seule une citation de Proust permet à Rachel de s’exprimer : « De l’état d’âme qui, cette lointaine année-là, n’avait été pour moi qu’une longue torture rien ne subsistait. Car il y a dans ce monde où tout s’use. Où tout périt, une chose qui tombe en ruines, qui se détruit encore plus complètement, en laissant encore moins de vestiges que la Beauté : c’est le Chagrin. » Est-ce la tristesse causée par la disparition de l’image de Pierre de son miroir ? Est-ce qu’elle voulait laisser les souvenirs des bons moments passés avec lui intacts? Sa fille était rongée par le silence, par la passivité; elle a même laissé le lecteur deviner ce qui se passait avec elle avant que sa mère ne le fasse. L’amour est aveugle mais est-il aussi sourd-muet ? Avec le temps, Christine a-t-elle pu obtenir des réponses à toutes ses questions?
     Entre la tendresse et les reproches, ce roman, où le personnel et le social se mêlent, est émouvant et douloureux à la fois. Il devient psychologique à la fin. C’est une lutte inédite contre l’antisémitisme « C’est un roman comme tant d’autrres, qui pourrait être le vôtrre Gens d’ici ou bien d’ailleurs… »
                                                                                                                          
          
                                
Santa EL HABER
Université Libanaise
Faculté des Lettres et des Sciences humaines
Section 2, Fanar
Département de littérature française
Liban






Olivier Bleys
Discours d’un arbre sur la fragilité des hommes
Paris - Albin Michel (2015), 293 p


Témoin silencieux de nos vies…

            Les constants voyages que Wei effectue à pied ou sur les rails pour ramener du charbon à sa famille nous rappellent ceux d’Olivier Bleys (depuis 2010), nommé Chevalier des Arts et des Lettres à 45 ans. La grande envie de voyager de Bleys, son attrait pour les histoires de la grande Histoire, son amour pour la langue, les mots justes et les civilisations, sont admirablement traduits dans son roman Discours d’un arbre sur la fragilité des hommes, paru en 2015 chez Albin Michel.

Discours d’un arbre sur la fragilité des hommes nous transporte dans le monde de Wei. Simple ouvrier au chômage, Wei vit dans le quartier de Ziqiang, une rue de l’ancienne ville industrielle de Shenyang, et mène avec sa famille une vie calme jusqu’au jour où les responsables de la région annoncent la naissance d’un projet minier qui changera le cadre naturel général. La décision de couper le seul arbre à laque qui survit au milieu d’usines abandonnées choque toute la famille qui voit dans les « racines verdies du vieil arbre » le symbole de la prospérité des Zhang : « On y lisait les traces d’incendies ou d’inondations du passé, des souvenirs de fêtes et d’exécutions capitales, tandis qu’affleuraient ici et là, à peine lisibles, des caractères sculptés au couteau : peut-être les prénoms d’amoureux disparus ».

Né du choc de son auteur à la vue des maisons-clous en Chine, ce roman se veut une lutte « identitaire ». Cette lutte est celle d’une famille menacée dans son existence et d’un arbre, dernier vestige de résistance, contre la loi des plus puissants qui veulent éliminer à tout prix ce qui survit de la culture chinoise : « À cet arbre s’attachaient autant de souvenirs que de feuilles et, comme les feuilles séchaient et tombaient, s’éparpillait aussi sa mémoire balayée par le vent. Cependant, l’arbre n’avait plus pour les hommes la moindre utilité », nous dit Bleys. Et Mr. Fan, image du capitalisme envahisseur, de crier encore : « Tu es la Chine que je vomis, la Chine qui me fait honte ! La Chine mal élevée qui crache, qui éructe et qui souille de pisse les murs de nos gratte-ciel ! […] Combien devrons-nous en éduquer, afin d’ouvrir vos cervelles aux fruits de la civilisation ? »

Au fil des pages, nous assistons à la résistance des personnages qui préfèrent vivre dans la misère, s’unir dans les privations, suivre à l’aveugle le maître des lieux dans toutes ses décisions, que de renoncer à leur unique propriété et surtout à leur cher arbre. Comme nous témoignons de la ténacité de cet arbre qui résiste aux intempéries de la nature et des hommes. Représenté en caractère chinois : « Trois traits s’enfoncent dans la terre, trois traits s’élancent vers le ciel », il « s’épanouit également au-dessous et au-dessus du sol » avec ses branches et ses racines, si fort qu’on cherche en vain à mutiler, à déraciner et « dont la moitié subsistera dans les profondeurs de la terre ». Ce n’est pas gratuitement que Bleys lui a consacré des dizaines de pages au début de son roman. Il est le catalyseur du combat, la mémoire de la Chine ancienne, et tente de subsister puisqu’il ne restera, après la réalisation du projet, que des maisons plantées comme un clou, d’où l’expression des maisons-clous, au milieu d’une vaste excavation.

Récit familial, fable sociale dans la Chine capitaliste d’aujourd’hui, réflexion sur l’amour, l’honneur, l’argent et les biens matériels, Discours d’un arbre sur la fragilité des hommes est un appel à une méditation sur l’humanité qui plonge dans un état dichotomique : l’opposition entre l’attachement des uns à leurs racines et la fragilité des autres qui cherchent le modernisme illusoire, déroutant.

Ce roman a une structure particulière : il s’articule autour de parties sectionnées sous forme de contes différents, imprégnés de descriptions minutieuses et subtiles, ponctués de phrases simples, interrogatives et exclamatives, manifestant des impressions, des émotions et des ambiguïtés. Les passages dialogués évoluent tout au long de l’histoire et nous exposent le conflit, la critique, les incertitudes qui régissent aussi bien les sentiments que les comportements des différents personnages, et surtout l’optimisme « candidéin » du vieillard Hou-Chi s’exclamant : « … en somme tout est bien ».

Le discours de l’arbre de Ziqiang sur la fragilité des hommes n’est-il pas le nôtre ? Et cet arbre, n’est-il pas le témoin de la fragilité des âmes à travers le monde ? N’est-il pas en lui-même une énigme, un mystère ? « La nature est pleine de mystères, ne sommes-nous pas de la nature ? » Voyageons avec Olivier Bleys dans la Chine de Wei et découvrons-nous !...

Emmy FRICKE
Étudiante en 1ère année
Département de Langues et de Littérature Française
Faculté des Lettres et des Sciences Humaines – Section 2 – Fanar
Université Libanaise
Liban

 




Delphine de Vigan
D’après une histoire vraie
Paris, J-C Lattès, 482 pages


Le jeu du vrai et du faux

Devant l’écrasant succès de son dernier roman, dans lequel Delphine de Vigan se penche sur la personnalité de sa mère bipolaire, la narratrice se trouve en panne d’inspiration : « le simple mot ‘écrire’ dans une lettre ou un message suffisait à me nouer l’estomac. Écrire, je ne pouvais plus. Écrire, c’était non. »

Vidée de mots et envahie par le syndrome de la “page blanche”, D. de Vigan se trouve dans l’impossibilité de tenir un crayon, jusqu’à ce que, par pur hasard (ou pas?) elle se lie d’une étrange amitié avec une certaine femme ayant son âge et dont on ne connaît de son nom que l’initiale “L”. L, ou elle, ce double distancié du “je”, connaît tout de la vie de Delphine.

Au début, une relation de sympathie et de complicité commence à naître entre les deux protagonistes jusqu’à ce que Delphine, lasse, fatiguée et déprimée, s’attache et s’abandonne complètement à “L”. Mais cette douceur amicale apparente commence à s’estomper et une liaison fusionnelle et dangereuse se dessine à sa place : « L. était une méduse, légère et translucide qui s’était déposée sur une partie de mon âme. […] Peu à peu, L. avait adopté mes gestes, mes attitudes, mes petites habitudes. C’était troublant, dérangeant.»

“Je” ne peut plus écrire, plus rien du tout, au point de laisser “L” écrire à sa place. La lettre L avec ses deux lignes perpendiculaires serait-elle le symbole de la prise de pouvoir d’un individu sur un autre? Serait-elle choisie parce qu’elle est l’initiale de Lucile, prénom de la mère de la narratrice?

Roman autobiographique, D’après une histoire vraie, prend l’allure d’un thriller psychologique : les trois épigraphes qui marquent le début des trois parties du roman sont extraites de Misery et de La part des ténèbres de Stephen King. Cependant, si dans la forme ce roman apparaît comme un thriller, dans le fond, il en est autrement: le récit est ancré dans le vrai, comme le prouvent les indices autobiographiques qui jalonnent le texte. En outre, les événements relatés nous laissent vivre entre le moment de l’histoire et le temps réel pour faire de ce roman, un roman contemporain voire représentatif d’une époque fascinée par le vrai. Toute l’histoire semble être un prétexte aux grandes questions telles que : qu’est-ce que l’écriture ? Que doit-on écrire ? Que peut-on écrire ? Quel est le rôle de l’écrivain au XXIe siècle?, etc.

Il s’agit d’un troublant face à face à la faveur duquel Delphine de Vigan oscille intelligemment et habilement, comme un bon équilibriste, sur le fil séparant le réel de la fiction : « Quand je l’observais, il me semblait parfois me voir moi, ou plutôt un double de moi-même, réinventé, plus fort, plus puissant, chargé d’électricité positive. »

Entre créativité, doute et apparences trompeuses, le lecteur est constamment invité à s’interroger sur les frontières du réel et de l’imaginaire, du vrai et du faux. Au fil des pages, le lecteur se perd dans les fils du réel et du fictif au point de tomber parfois dans le piège tissé par la narratrice.

Un récit brillamment mené, un puzzle dont la dernière pièce se trouve entre les mains du lecteur, puisque c’est à lui de la fabriquer: “L” existe-t-elle vraiment ?


Marie-Laure BEJJANY
Etudiante en 2e année-Littérature Française
Université Libanaise
Faculté des Lettres et des Sciences Humaines (Section II)
Liban



Isabelle Autissier
Soudain, seuls
Paris – Stock, 250 pages

Amour ou survie ?

Vivre sur une île déserte, loin de l’hypocrisie de notre belle civilisation, de ses smartphones et de ses plats cuisinés en usine, c’est bien joli, mais c’est un rêve qui peut tourner en cauchemar. Isabelle Autissier, grande navigatrice, aventurière des mers australes et Présidente de la branche française du World Wild Fund, « recycle » mille observations, émotions, perceptions de situations qu’elle a vécues pendant ses longues traversées en mer, seule ou avec son équipage, dans son livre « Soudain, seuls » paru aux éditions Stock. Ce titre intrigue le lecteur et suscite une attente excitante, souvent longue et nourrie de suspense.

Louise et Ludovic ont tout quitté pour prendre la mer à bord du Jason afin de conquérir leur propre Toison d’or. Lui est optimiste et aventurier, elle, alpiniste et prudente. Départ de Cherbourg pour les Canaries, les Antilles, le Brésil, l’Argentine jusqu’au cinquantième sud. Entre la Patagonie et l’Afrique du sud une île déserte attire leur attention. Stromness, une ancienne base baleinière entourée d’icebergs et abandonnée aux «groupes de manchots circonspects », aux « familles d’otaries» et aux  « éléphants de mer », se présente d’emblée comme un paradis perdu. Un paradis qui se transformera brusquement en un enfer. Nos deux robinsons se trouveront alors « Soudain, seuls », prisonniers derrière les barreaux de vagues furieuses et sous des orages monstrueux, peu préparés à affronter une telle catastrophe du fait de leur entourage sociologique et de leur manière de vivre. Ils se trouvent dès lors condamnés à coexister dans un environnement où chaque décision coûte cher et peut s’avérer fatale. 
Entre irritation et désespoir, soutien et abandon, difficultés et désillusions, le couple est bien obligé d’aller de l’avant et de se battre afin de rester en vie sur cette île maudite. Mais  « Comment en sont-ils arrivés à cette situation absurde ? », « comment lutter contre la faim et l’épuisement ?». Jusqu’où chaque partenaire peut-il se sacrifier pour soutenir l’autre aux dépens de  son propre équilibre ?
Leurs ennemis font légion au fil du récit: faim, solitude, terreur, gel et cela devrait contribuer à les rapprocher, les rendre solidaires. L’espoir de les voir se réconcilier nous pousse à tourner les pages du roman et l’intrigue devient de plus en plus saisissante pendant les périodes de crise, surtout avec l’apparition du Cruise Ship au large. Tiraillé entre Louise qui veut allumer un feu pour attirer l’attention des passagers et Ludovic qui a préféré prendre l’annexe à la poursuite du gigantesque navire et passer une nuit glaciale bordé par les eaux flegmatique de l’océan, le lecteur se dépêche de lire la suite : Rentrera-t-il auprès de Louise ? Seront-ils encore capables de se ressaisir et de combattre le désespoir ? Restera-t-il encore optimiste et fort ?
Formidable conteuse, I. Autissier décrypte, avec une précision diabolique, la spirale destructrice dans laquelle les deux passagers de Jason sont happés. Ils se déchirent, et c’est ce qui conduit Louise à regarder en face sa part d’ombre et à aller au fond d’elle-même. « Dans les grands moments, pense Louise, l’humain est seul. Devant la vie, la mort, les décisions suprêmes, l’autre ne compte plus. Elle doit l’oublier et juste vivre. C’est son droit le plus absolu, c’est son devoir envers elle-même ». D’un coup, elle seule compte. Plus rien de commun entre eux, plus d’amour, plus de sentiments, seul l’instinct de survie s’empare de notre héroïne.  Elle décide alors de partir la nuit à la recherche de la station scientifique laissant son partenaire démoralisé, à cause de l’incident du Cruise Ship, luttant seul contre la faim et le froid. Arrivée à destination, elle s’installe dans la station oubliant complètement son compagnon. Ceci dure longtemps, trop longtemps. Avait-elle besoin d’attendre si longtemps? Quelle décision prendra-t-elle ? Songe-t-elle à revenir au « 40 » ? Rentrera-t-elle en France avec Ludovic ? Retrouveront-ils enfin une vie normale ou resteront-ils prisonniers de cette île damnée ?

Un océan de mots, des descriptions longues et minutieuses, un flot d’interrogations : le lecteur éprouve toutes sortes d’émotions au fil des pages et demeure anxieux, confronté à l’ultime et essentielle question : comment survivre en milieu hostile ? Isabelle Autissier nous a rappelé crûment les gestes élémentaires de la survie. Les descriptions de la faune et de la flore révèlent un réel talent d’écrivain. Excellente conteuse, elle a su tenir en haleine ses lecteurs et parfois même les faire trembler d’effroi devant les périls courus par les protagonistes. 


Nathalie GHAOUCHE
Université libanaise
 Faculté des lettres et sciences humaine
Section II, Fanar
Département de langue et littérature française





Isabelle Autissier
Soudain, seuls
Stock 2015, 249 pages.
 
L’âme humaine, un puits sans fin

Vivre ou mourir, voilà le dilemme énorme que tout être humain est poussé un jour à affronter et c’est précisément ce qu’Isabelle Autissier a pu, avec beaucoup d’adresse, nous montrer dans son roman Soudain, seuls : avec le désir, la volonté et la persévérance, toute personne peut se surpasser afin d’atteindre ses rêves.
Isabelle Autissier née en 1956, fut la première femme à avoir accompli un tour du monde en solitaire. Après plusieurs avaries qui auraient pu lui coûter la vie, elle abandonne ses périples pour s’adonner à l’écriture. Certains de ses romans sont : Rendez-vous avec la mer (Solar 1996), Un solitaire autour du monde (Arthaude 1997), Aventuriers du monde (sous la direction de Pierre Fournié, Gallimard 2005), Passer par le nord (la nouvelle route maritime avec Erik Orsenna, Paulsen 2014).
Entre les lignes de Soudain, seuls, on se retrouve peu à peu entraîné dans une aventure fantastique, celle de Ludovic et Louise, un couple de trentenaires qui vient de se découvrir, deux amoureux friands d’aventure qui décident de s’offrir une année sabbatique et un tour du monde à la voile. Durant leur escapade, ils abordent l’île de Stromness, un lieu paradisiaque pour de tels aventuriers. Entourés par la pureté de la nature et un environnement sauvage, ils ont été emportés par leur rêve, mais pourtant, au milieu de tout ce bonheur il a suffi d’une petite erreur, un minuscule laps de temps pour transformer leur paradis terrestre en enfer. C’est là que tout commence : ils se retrouvent coincés sur l’île, obligés d’utiliser leur propre force pour survivre.
Le roman est très persuasif, inspiré par l’imaginaire mais pourtant puisé de la réalité. En utilisant sa propre expérience, Isabelle Autissier a décrit avec un talent sans pareil la nature, la faune, la flore, la faim, comment affronter le froid, et le plus important, comment surpasser sa peur. L’auteure est complètement extérieure au texte mais pourtant on a l’impression que c’est elle qui vit tous ces moments forts. Toutes les précisions qu’elle donne tiennent le lecteur en haleine, le faisant trembler d’effroi avec les personnages du roman. Le style est très riche en descriptions et métaphores.
Enfin, Soudain, seuls est un roman vraiment passionnant, écrit d’une façon à vous couper le souffle et à vous donner le goût de l’aventure. Vous aimerez ce roman jusqu’au dernier mot, tout y semble si parfait !
 
Mariam Dally
Faculté des lettres et des sciences humaines
Département de Traduction
Université Islamique du Liban
 
 
 
 
Soudain, seuls
Isabelle Autissier
Stock, 250 p.
Une vie sans Smartphones !
Oui, ça existe

     Avez-vous jamais imaginé la reproduction de l’aventure de Robinson dans notre monde moderne? Isabelle Autissier l’a fait dans une histoire bouleversante. Il s’agit de Soudain, seuls, roman publié en août 2015. C’est l’histoire d’un couple amoureux qui décide de faire le tour du monde seul. Ils font escale sur une île. Au début tout est normal mais pendant la nuit, une tempête se lève et le lendemain leur bateau disparaît. Le couple se retrouve seul sur une île déserte sans aucun soutien. Ludovic et Louise vont affronter beaucoup de problèmes ; ils vont devoir faire face aux rats, aux manchots, aux otaries et aux lions de mer. Comment lutter contre la faim ? Leur amour est menacé à cause des conditions terribles qu’ils vivent surtout au moment de l’apparition d’un gros navire. Pour attirer l’attention des matelots sur le navire, Louise propose d’allumer du feu alors que Ludovic veut aller les rattraper, chacun d’eux agissait donc selon ses instincts primaires. Cependant, dans les pires moments, ils ne perdent pas espoir, surtout Louise. D’ailleurs, la fin de ce roman n’est pas semblable à celle de Robinson. Dans Vendredi ou la vie sauvage, de Michel Tournier, Vendredi part et laisse Robinson seul sur l’île mais dans Soudain, seuls, le sort du couple est complètement différent.
     En fait, nous vivons dans un monde où tout est en rapport avec la technologie, que ce soit l’Internet, les Smartphones ou les télévisions. Et chacun de nous pense que la continuité de la vie humaine est fondée sur ces moyens en oubliant qu’avant l’apparition de ces outils, il y a eu des êtres humains qui ont pu survivre et s’adapter à leurs conditions de vie. I. Autissier, à travers son roman a réussi à nous faire comprendre que l’être humain peut tout simplement vivre de rien! La condition du couple, le huis clos duquel on ne peut jamais sortir, sont aussi les thèmes percutants de son œuvre. La lecture de ce roman m’a permis de ressentir qu’il correspondait à une histoire vraie, en sachant qu’Isabelle Autissier était la première femme à avoir accompli le tour du monde à la voile en solitaire et en course. Un beau récit qui nous fait réfléchir sur nous-mêmes. Je regrette le fait qu’il ait été retiré de la deuxième sélection du prix Goncourt parce qu’il s’agit vraiment d’un chef-d’œuvre. Je vous invite à lire ce roman parce que chacun de nous peut s’identifier à ces personnages, tout est possible dans ce roman, tout peut s’adapter à notre vie et rien n’empêche que quelqu’un de nous soit un jour Louise ou Ludovic!
Zahraa Dakroub
Lettres Françaises, troisième année
Département de Langue et de Littérature Françaises
Université Saint-Joseph de Beyrouth
Liban
 
 



 

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